
la veillée d’armes
october 2022
DUO show :
anne-charlotte Finel, Nathanëlle Herbelin
jousse entreprise
pour Paris+ art basel
(FR)
Veillée d’armes est une notion qui décrit une nuit blanche durant laquelle on se prépare à une action délicate. Ses origines sont militaires, elles font référence à la nuit qui précède l’adoubement des chevaliers ou le départ sur le champ de bataille. À cette occasion, une longue méditation se substitue au sommeil, soit pour apaiser son anxiété, soit pour améliorer sa stratégie. L’ambiance silencieuse qui trône sur cette nuit évoque à la fois la tranquillité et le stress. Si le fait de ne pas dormir est généralement associé à une insomnie, ici, il s’agit d’une décision volontaire de rester éveillé et surmonter les eorts physiques afin d’être en capacité d’embrasser un processus mental visant à se vider l’esprit. Ce moment permet de dresser un bilan des événements passés et d’anticiper toutes les éventualités d’un futur proche.
Les peintures de Nathanaëlle Herbelin oscillent entre les deux pôles de cette tension – bien qu’elles semblent à première vue représenter des espaces quotidiens sereins, quelque chose dans cette tranquillité sous-tend la présence d’entités cachées, de voix du passé voire de fantômes. L’artiste elle-même est présente dans ses toiles en tant qu’observatrice, apportant un côté presque voyeuriste. Il n’est pas question de plaisir malsain mais plutôt d’une tentative profonde de l’artiste d’examiner son environnement afin de révéler une latence qui s’y déploie. Les œuvres choisies pour ce duo-show dépeignent une zone crépusculaire, entre lumière et obscurité, et résonnent avec le Chant de la Nuit de Nietzsche : « Il fait nuit : hélas ! pourquoi me faut-il être lumière ! et soif de ténèbres ! et solitude ! ; Il fait nuit : voici que mon désir jaillit comme une source, — mon désir veut élever la voix ; Il fait nuit : voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante. »
En contraste avec l’espace domestique de Nathanaëlle Herbelin, la vidéo d’Anne-Charlotte Finel documente des moments de l’aube au sein d’une zone liminale : la piste d’atterrissage entre terre et ciel, un espace de passage interchangeable où les êtres humains restent anonymes, un non-lieu. L’artiste dirige notre regard vers les êtres vivants qui peuplent pourtant cet espace particulier. Perplexes quant aux lumières changeantes et aux bruits des moteurs, les colombes, les corbeaux et même les renards s’engagent dans une veillée d’armes. Ni tout à fait endormis, ni tout à fait éveillés, entre les deux, ils se préparent à l’apparition d’une menace ou d’un encas potentiel. Les visuels quelque peu granuleux, aectés par le jeu de lumières clignotantes colorées, créent de la même manière cet état de flou, aux confins de la rêverie et de la rétention de souvenirs fugaces.
Nathanaëlle Herbelin et Anne-Charlotte Finel nous invitent à nous écarter d’une certaine réalité terrestre et nous dirigent vers un état hypnotique, où apparaît la possibilité de s’immerger dans la pénombre. Au lieu de la formulation d’idées claires, nous avons l’impression de planer, d’observer d’en-haut et de nous préparer à atterrir à nouveau.
(EN)
Veillée d’armes is a notion describing a sleepless night, during which one prepares oneself for a delicate action. Its origins are related to the night before one becomes a knight, or goes out to the battlefield. During this night, sleeping time is replaced by a long meditation, dedicated either to soothing anxiety or improving strategy. The silent ambiance the night oers can, however, evoke both tranquility and stress. Not sleeping is usually associated with insomnia, but the Veillée d’armes is a voluntary decision to stay awake, to overcome physical needs and to endure a mental process aimed at cleansing the mind. This moment allows for an assessment of past events, and an anticipation of dierent eventualities that the future might bring.
Nathanaëlle Herbelin’s paintings oscillate between the two poles of this very tension: though they seem at first sight to present serene quotidian spaces, something in their quietness implies the existence of hidden entities, voices from the past or even ghosts. The presence of the painter herself as an observer is embedded in her paintings, which adds a layer of a certain voyeurisme. This is not for the sake of pleasure, but more likely as a highly concentrated attempt to investigate the depicted scene in order to reveal a latent layer, unfolded between the daily objects. The paintings gathered for this duo exhibition are all referring to a twilight zone, between light and darkness, resonating with Nietzche’s Night Song: “It is night: alas that I must be light! And thirst for the nocturnal! And loneliness! / It is night: now my longing breaks out of me like a well – I long to speak. / It is night: now all fountains speak more loudly. And my soul too is a fountain.”
In contrast to the domestic space, Anne-Charlotte Finel’s video documents moments of dusk in a liminal location: the airstrip, between the earth and the sky, a space of transience where human beings remain anonymous, a nonplace. Anne-Charlotte insists to find, and then to direct our sight, towards living creatures that nevertheless inhabit this peculiar site. Perplexed by the ever-changing lights and the recurring immense engine noises, the doves, the crows and even the foxes are engaging in Veillée d’armes, neither fully asleep nor fully awake, in between, preparing for a potential threat or treat to appear. The somehow grainy visuals, aected by the play of colorful f lashing lights, create in like manner this blurry state, in the seams of daydreaming and of holding onto fleeting memories.
Nathanaëlle Herbelin and Anne-Charlotte Finel invite us to depart from earthly factual reality towards a hypnotic state, where the possibility to immerse oneself within dimness appears. Instead of formulating clear ideas, we feel as though we are hovering, gazing upon things, preparing to land again soon.